Marcel Maréchal a quitté la scène du monde.
Avec lui, part un pan de l’histoire d’un théâtre de création populaire de haute tenue.
Avec lui, part un pan de l’histoire de Marseille, de ce Théâtre du Gymnase à cette Criée qu’il a rêvée, inaugurée et dont il a encré définitivement la nature profonde sur les quais du port…
Il y a impulsé et créé, joué et dirigé avec une énergie belle et des envols de poésie touchant, les publics les plus variés si bien qu’il a « fabriqué » durablement le public marseillais.
Incroyable « bête de scène », son sens du plateau l’amenait immanquablement à faire mouche à chaque mot ou regard…
En tant que « patron » et meneur d’équipes, s’il pouvait paraître parfois ailleurs – main sur les babines, brouillant ses traits, regard perdu, cheveux en bataille, au fond, il était là, aux côtés de chacun dans sa singularité et sa capacité à se mettre au service du projet artistique qu’il portait… et partageait d’abord avec ses équipes, ensuite avec le public.
Au-delà de son côté un peu ours timide, homme du monde, il savait s’ouvrir et accueillir l’Autre.
C’est comme çà que je l’ai connu alors que, jeune étudiante en Arts plastiques, j’avais demandé à son décorateur de l’époque, Alain Batifoulier, quel chemin prendre, quelle formation effectuer, pour devenir décoratrice de théâtre comme on disait à l’époque… Deux semaines plutard, j’étais assistante de décoration pour les trois créations du Graal théâtre. C’est là qu’entre Marcel, Alain, Bernard Ballet et Gaston Serre, j’ai appris un métier d’humanité, de solidarités et de créativité.
Homme de fidélités, il m’a intégrée pour cinq années décisives pour mon parcours personnel à ses équipes dans lesquelles j’alternais entre l’assistanat de décoration et la réalisation des archives du TNM sous la direction du regretté Jean Rouvet, un être hors du commun s’il en fut.
Homme de la main tendue, il a accueilli le Théâtre de la mer et les créations d’Akel Akian dans ses programmations, lui ouvrant large les portes de sa « Petite salle ». Nous sommes encore quelques uns à nous souvenir des youyous des mamans des Quartiers Nord à La Criée, que ce soit lors de la conférence de presse de « Baisers d’hirondelles » ou dans la salle au milieu des applaudissements en fin des représentations.
Je me rappelle aussi… C’est la dernière fois que je l’ai vu… c’était à la Librairie des Arcenaulx, lors d’une de ses lectures… Il commence à lire, lève les yeux, son regard tombe sur moi… Il s’interrompt… et lance un vibrant hommage à Akel Akian… Sans aucun doute, ces deux anciens lyonnais, l’un des traboules, l’autre émigré des oueds et terres rouges du Maroc, se sont reconnus, rencontrés, à Lyon, à Marseille, sur les scènes et dans ces mondes de poésies où ils respiraient ensemble.
Avec Marcel Maréchal une part du théâtre du XXéme siècle s’est refermée. Gageons que chaque parcelle de théâtralité qu’il a semée sur sa trajectoire inspirée germe et germera encore.
Avec lui, s’est écrite une part de mon histoire professionnelle, la plus fondatrice.
A toi, Marcel, reconnaissante !
Que les scènes de l’imaginaire te fassent une place de choix où continuer à jouer, à l’infini…
Frédérique Fuzibet